Points chauds du crime organisé à l’ouest des Balkans

Un rapport publié au mois de mai 2019 par The Global initiative Against Transnational Organised Crime, observatoire civil pour la lutte contre le crime organisé dans le sud de l’Europe[1], analyse de manière assez exhaustive la réalité de la criminalité organisée à l’ouest de Balkans et tente de détecter ses clusters ou points chauds.

Le rapport part du principe qu’il y a trois facteurs fondamentaux qui favorisent ce type criminalité :

  1. La vulnérabilité économique. Très élevée dans la région, avec des groupes de population au taux de chômage supérieur à 50%.
  2. Systèmes politiques faibles ou fractionnés et isolés. La succession des conflits meurtriers qui ont déchiré la région a fait que le réseau institutionnel créée (parfois imposé) avec le soutien de la communauté internationale n’a ni la force ni l’autorité nécessaires pour garantir un État de droit aux niveaux acceptables. Par ailleurs, les différents organigrammes institutionnels communiquent peu (ou ne collaborent pas) entre eux. Les polices de l’Union des républiques de Bosnie-Herzégovine, les institutions serbes kosovares ou albanaises kosovares et, très nettement, les institutions serbes et kosovares en sont de bons exemples. Il en résulte l’absence de pouvoirs forts et consolidés sur de vastes étendues de territoire. Ces deux facteurs conjugués facilitent donc l’interaction entre monde des affaires, criminalité et pouvoir politique.
  3. La situation géographique. Cette situation doit être considérée sous deux aspects :
    • D’abord, il y a les structures routières et autres liaisons. Les villes situées aux croisements d’autoroutes ou de routes importantes ainsi que les nœuds ferroviaires permettent une circulation plus fluide et aisée des produits faisant l’objet des activités du crime organisé.
    • D’autre part, il y a la proximité ou l’éloignement de zones qui recèlent des produits traditionnellement prisées par les activités de la criminalité internationale. Ainsi, la région se trouve sur la route de l’héroïne entre l’Afghanistan et l’Europe de l’Ouest et constitue une excellente porte d’entrée dans l’espace européen pour les populations fuyant la misère et les guerres en Afrique et au Moyen-Orient ainsi que pour les armes que ces conflits mettent sur le marché.

Sur la base de ces facteurs, le rapport finit par pointer du doigt certaines villes et régions qui non seulement ont de grandes probabilités de devenir des points chauds du crime organisé mais dont l’observatoire a pu constater qu’elles le sont réellement dans la pratique.

Les lieux précis identifiés dans le rapport sont, entre autres :

  • Subotica (Serbie) : trafic de drogues et de tabac (et, avant la construction du mur par la Hongrie, trafic d’êtres humains également).
  • Vršac (Serbie) : trafic de tabac et d’héroïne.
  • Tuzla (Bosnie-Herzégovine) : trafic de personnes, bétail, bois, drogues, voitures, devises et contrefaçons de vêtements de marque.
  • Région de Trebinje (Bosnie-Herzégovine) : trafic de drogues, tabac et personnes.
  • Rožaje et alentours (Monténégro) : drogues, personnes, tabac, médicaments et armes.
  • Kula (entre le Kosovo et le Monténégro) : tabac et drogues.
  • Durrës (Albanie) : c’est le port le plus grand du pays et le principal port d’entrée de marchandises provenant d’Amérique latine. D’où son rôle majeur dans l’importation de cocaïne issue de Colombie.
  • Vlorë (Albanie) : deuxième port du pays, porte de sortie pour le cannabis produit dans le pays et pour de nombreux criminels qui se déplacent vers l’Italie et l’Espagne.
  • Les ports de Bar, Budva et Kotor (Monténégro) : ces ports sont très connus comme porte d’entrée de la cocaïne mais il s’y produit aussi de la contrebande de tabac, entre autres. Ils ont connu récemment une guerre sanglante entre bandes de narcotrafiquants, qui a causé de nombreuses victimes.
  • Sarajevo et alentours (Bosnie-Herzégovine) : importante activité de vol et trafic de véhicules. Inefficacité manifeste de la police à interpeler les auteurs de ces crimes.
  • Priština (Kosovo) : trafic de drogues et falsification organisée de titres de propriété publique.
  • Skopje (Macédoine) : nœud crucial pour le trafic de drogues à la fois nord-sud et est-ouest.

Le rapport conclut en affirmant que cette région est victime de sa propre situation démographique ainsi que de l’instabilité politique et économique. Les auteurs du rapport semblent toutefois détecter parmi la population une certaine lassitude de la corruption et du crime organisé qui a déjà provoqué des manifestations publiques assez virulentes.

[1] Vid. https://globalinitiative.net/wp-content/uploads/2019/05/Hotspots-Report-English-13Jun1110-Web.pdf

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