Alex S. Vitale : « L’État moderne a travaillé dur pour devenir la seule entité à pouvoir traiter les questions de sécurité. Nous devons rendre ce processus plus démocratique »

Alex S. Vitale est professeur de sociologie et coordinateur du projet pour le maintien de l’ordre et la justice sociale au Brooklyn College et au CUNY Graduate Center. Il est également professeur invité à l’Université London South Bank. Depuis 30 ans, il se consacre à la rédaction de textes divers dans le domaine du maintien de l’ordre, consultant à la fois les services de police et les organisations des droits de l’homme à l’échelle internationale. Le professeur Vitale est l’auteur de City of Disorder: How the Quality of Life Campaign Transformed New York Politics (La ville des troubles de l’ordre public : comment la campagne pour la qualité de vie a transformé la politique new-yorkaise) et The End of Policing (La fin du maintien de l’ordre). Ses écrits universitaires sur le maintien de l’ordre sont parus dans Policing and Society, Police Practice and Research, Mobilization et Contemporary Sociology. Il a également produit de nombreux essais, dont certains ont été publiés dans The New York Times, The Washington PostThe Guardian, The NationVice NewsFortune et USA Today. Il est également apparu dans des médias tels que CNN, MSNBC, CNBC, NPR et PBS, et dans des programmes télévisés tels que Democracy Now! et The Daily Show with Trevor Noah.

1.- Vous proposez de dissoudre les forces de police telles qu’elles sont actuellement structurées. Pensez-vous que certains aspects de la structure de la police devraient être conservés ?

Transformer la façon dont nous pensons la sécurité publique n’implique pas que nous éliminions les services de police du jour au lendemain. D’une part, ce n’est pas politiquement possible, et il n’est donc pas raisonnable de considérer cette idée comme une option. D’autre part, il faut entamer un processus de développement de nouvelles infrastructures de sécurité publique qui permettent de répondre aux préoccupations en la matière plus efficacement et sans les coûts sociaux négatifs dus au recours à la police. À mesure que nous développerons ces nouvelles infrastructures, nous pourrons réduire et éliminer les fonctions existantes au sein des forces de police actuelles. Par exemple, le Portugal a dépénalisé les drogues, ce qui lui permet de réduire le temps que la police consacrait auparavant à la lutte contre les stupéfiants. Un autre exemple est la création d’équipes non policières d’intervention de crise pour répondre aux appels d’urgence dans le domaine de la santé mentale, ce qui permet de diminuer la capacité des patrouilles de police. 

2.- En cas de dissolution des organisations policières, d’autres acteurs ou organismes pourraient-ils reprendre les fonctions de la police ?

Oui, c’est l’objectif, même si ces fonctions pourraient être très différentes de ce que fait la police. Plutôt que d’essayer de contrôler et d’interrompre la distribution et la consommation de drogues, nous pourrions investir dans les services de santé publique et dans la légalisation de la distribution de drogues. 

3.- En cas de réduction du rôle de la police, la sécurité privée pourrait occuper une place plus importante. Ne serait-ce pas problématique pour de nombreux citoyens qui ne pourraient pas se permettre ses services ?

L’objectif de cette nouvelle approche est de réduire les vulnérabilités, de sorte que l’infrastructure de sécurité requise soit également réduite. Si la part de la population pauvre, sans logement, sans accès aux services de santé de base, etc., est plus faible, il y aura un moindre besoin de systèmes punitifs de contrôle de la criminalité, qu’ils soient publics ou privés.

4.- Quelles fonctions doivent remplir les citoyens dans un modèle alternatif de gestion de la sécurité ? Quel rôle doivent-ils jouer et quelles doivent être les limites de leur intervention ?

L’État moderne a travaillé dur pour devenir la seule entité à pouvoir traiter les questions de sécurité. Nous devons rendre ce processus plus démocratique. Il convient de donner aux communautés des ressources qui leur permettent de répondre plus efficacement à divers problèmes de sécurité publique par elles-mêmes. Cela peut impliquer, entre autres, d’accroître la capacité des organisations à l’échelle des communautés à traiter des questions telles que la violence domestique, les nécessités en matière de santé mentale, la toxicomanie ainsi que les services pour la jeunesse. Cela peut aussi impliquer d’améliorer la capacité des individus à travailler ensemble pour résoudre les problèmes de manière coopérative, comme des plaintes pour nuisance entre voisins, membres d’une même famille, amis, etc. L’implication de la police dans tous les conflits imaginables entraîne d’énormes coûts financiers et sociaux, et nous devrions nous efforcer de réduire son rôle autant que possible. 

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