Depuis près de cinq mois, le gouvernement du Salvador, dirigé par Nayib Bukele, mène d’importantes opérations policières et militaires qui ont déjà conduit à l’arrestation d’environ 50 000 personnes soupçonnées d’appartenir à une mara.

Ce sont des chiffres extraordinaires pour un pays de moins de 6,5 millions d’habitants. Cependant, si l’on tient compte des niveaux de violence au Salvador, avec une centaine de meurtres par mois, et du nombre de criminels associés aux maras, ces chiffres ne paraissent plus si élevés. On estime qu’il y a plus de 100 000 membres actifs de maras, dont la majorité sont rattachés à Mara Salvatrucha et, dans une moindre mesure, à Barrio 18. Il s’agirait des deux principaux groupes criminels du pays, nés dans les années 1980, dans le sillage de la guerre civile et de l’exode de milliers de réfugiés vers les États-Unis.
Ces opérations ont suscité des réactions de la part du bureau du médiateur des droits de l’homme du Salvador et des organisations civiles. Ils estiment que le mystère qui entoure cette croisade antiviolence cache des arrestations arbitraires et des abus de pouvoir. Ils supposent, par conséquent, que certaines des personnes emprisonnées sont innocentes des crimes dont elles sont accusées.
Début septembre, on dénombrait plus de 3 000 plaintes pour torture et détention injustifiée, ainsi que le décès de 56 prisonniers, sur lequel le gouvernement a gardé le plus grand secret. Amnesty International considère également que de graves violations des droits de l’homme ont eu lieu et qu’une responsabilité pénale internationale pourrait s’appliquer.
Mais rien de tout cela ne semble préoccuper le gouvernement de Nayib Bukele. L’Assemblée législative du Salvador a approuvé en mars la mise en place de l’état d’urgence et la suspension des garanties constitutionnelles pour une durée d’un mois, mais ces mesures sont encore en vigueur à l’heure actuelle.
Le gouvernement part du principe qu’environ 1 % des arrestations pourraient être des erreurs. Et tout le monde ne porte pas de tatouage de mara sur la peau. Cependant, le mouvement des travailleurs de la police nationale du pays dénonce également l’existence de quotas imposés par certains responsables de commandement des forces de l’ordre afin d’obtenir des congés ou d’éviter les réprimandes. Par exemple, si un commissariat est tenu d’arrêter six membres de maras et qu’il n’a pu en capturer que quatre, il ajoute deux personnes arrêtées pour un autre crime, qu’il s’agisse d’une agression ou d’un vol.
L’état d’urgence a été imposé fin mars, après un week-end particulièrement meurtrier, avec 87 victimes en tout. Selon la police, elles avaient été choisies au hasard par les tireurs ou se tenaient dans la ligne de mire des armes à feu.
Nayib Bukele a décidé de tuer cette situation dans l’œuf. L’état d’urgence permet à la police de prolonger les détentions au-delà de 72 heures, de laisser les détenus dans le flou sur leur date de libération, de surveiller leurs communications privées et de suspendre leur droit à l’aide juridictionnelle de l’État. En outre, le Salvador a durci le code pénal avec l’approbation du Parlement : un membre de mara âgé de 18 ans ou plus peut risquer jusqu’à 45 ans de prison.
En mars, le pays connaissait déjà un grave problème de surpopulation carcérale, avec 36 000 prisonniers en détention. Ils sont aujourd’hui deux fois plus nombreux. La surpopulation dans les prisons est invivable et n’est pas logistiquement gérable.
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