Au Salvador, 20 000 personnes arrêtées en un mois en pleine guerre contre les maras

Le président du Salvador, Nayib Bukele, a instauré l’état d’urgence en mars dernier pour lutter contre la violence des maras (gangs) et l’a prolongé de 30 jours supplémentaires en avril. La police et l’armée ont arrêté 20 421 personnes soupçonnées d’appartenir aux maras en seulement 33 jours d’état d’urgence et les tribunaux ont placé 9 672 prévenus en détention provisoire. L’état d’urgence permet de placer en garde à vue les détenus jusqu’à 15 jours sans justification, contre 72 heures dans des circonstances normales.

Selon le journal La Razón América, le président salvadorien tente de mettre fin à la vague d’assassinats de ces derniers mois et au contrôle que ces puissantes organisations criminelles, comme la Mara Salvatrucha ou le Barrio 18, exercent dans plusieurs régions de ce petit pays d’Amérique centrale de 6,4 millions d’habitants. L’assassinat de 87 personnes lors du dernier week-end de mars a poussé le président Bukele à agir.

La police et l’armée salvadoriennes ont passé près de deux mois à procéder à des arrestations arbitraires de prétendus terroristes sans mandat et sur la base de soupçons tels que des antécédents judiciaires ou des tatouages de gangs tels que Mara Salvatrucha, Barrio 18 ou d’autres maras. L’explosion du nombre d’homicides au cours des derniers mois est la preuve de l’insécurité croissante dans le pays.

Après les journées les plus violentes qu’ait connues le Salvador depuis la fin de la guerre civile il y a 30 ans (1979-1992), le Congrès salvadorien a donné son feu vert quant à la suspension des droits de la défense, de la liberté d’association et de l’inviolabilité des correspondances sans décision de justice. Les médias salvadoriens et les experts en sécurité expliquent l’augmentation drastique de la violence dans le pays par la rupture d’un pacte secret entre le gouvernement de Bukele et les maras salvadoriennes, dont l’existence a pourtant toujours été niée par le président.

Nayib Bukele est le président le plus soutenu par la population dans la région, avec 76 % d’approbation selon l’institut de sondage M&R Consultores. Il a justifié l’état d’urgence par la présence estimée de 70 000 membres de maras sur le territoire national, qui sont responsables de cette criminalité, et se battent pour le contrôle des opérations d’extorsion et de trafic de drogue.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et Amnesty International pour les Amériques se montrent très préoccupés par les arrestations massives, en particulier dans les zones les plus contrôlées par les maras. Ils dénoncent également le traitement cruel, inhumain et dégradant des suspects entassés dans les prisons délabrées du Salvador.

Pour sa part, Nayib Bukele a rejeté les accusations de ces organisations internationales concernant ces violations présumées des droits de l’homme. Il est même allé jusqu’à déclarer que, si elles défendaient tant les membres des maras, elles devraient les accueillir dans leur pays. Le président tente de justifier l’interdiction des graffitis ou de tout type d’expression visuelle véhiculant explicitement ou implicitement des messages sur les maras qui contrôlent diverses parties du pays. Le syndicat de la police a dénoncé le fait que les chefs de la police exigent de leurs agents des quotas quotidiens d’arrestations dans cette guerre contre les maras.

Amnesty International a une nouvelle fois dénoncé les mesures imposées par le gouvernement salvadorien qui interdisent aux médias de reproduire ou de diffuser au public des messages ou communiqués des maras qui pourraient faire paniquer la population. Cela pourrait conduire à l’emprisonnement de journalistes uniquement pour avoir rendu compte d’activités liées à ces gangs. Amnesty dénonce également les conditions de détention des prisonniers, parfois laissés sans nourriture ni air suffisants, ainsi que la possibilité de condamner des enfants âgés de 12 à 16 ans à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison sans avoir le droit à la défense.

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