Quelles sont les causes du pire massacre carcéral d’Équateur ?

Les chiffres sont effrayants, et les images des violences qui ont éclaté fin février dans plusieurs prisons équatoriennes donnent la chair de poule.

Au moins 79 détenus sont morts dans des affrontements entre membres de gangs rivaux mutinés dans les prisons de Cuenca, Guayaquil et Latacunga. On relève également la cruauté et la violence extrêmes de ces membres de gangs, illustrées par les images de corps décapités et démembrés circulant sur les réseaux sociaux.

Pour le pays d’Amérique du Sud, la violence dans les prisons n’est pas un problème nouveau. Pour la contenir, le président équatorien, Lenín Moreno, a déclaré l’état d’urgence dans les prisons du pays deux fois ces deux dernières années. Alors, qu’est-ce qui a mené au pire massacre carcéral de l’histoire de l’Équateur ?

D’une part, le trafic de stupéfiants dans le pays a augmenté. Plus du tiers de la drogue produite en Colombie transite par l’Équateur avant d’atteindre l’Europe et les États-Unis. Ce que se disputent les gangs équatoriens n’est pas négligeable, car ces dernières années, l’Équateur est devenu l’autoroute de la cocaïne vers les États-Unis et l’Europe. Cela est dû au changement de stratégie des trafiquants de drogue colombiens, qui fait que plus du tiers de la production croissante de cocaïne de la Colombie passe désormais par l’Équateur.

D’autre part, l’austérité a affecté les prisons. L’augmentation du trafic de stupéfiants s’est traduite par une hausse de la population carcérale en Équateur, qui n’a pas coïncidé avec une amélioration des capacités de garde et de surveillance. De plus, dans le cadre des plans d’austérité convenus avec le FMI, ces secteurs ont également été affectés par des réductions budgétaires, générant, à l’époque, une vague de protestations.

En outre, le gouvernement a dû recourir à l’armée pour faire face à la violence dans les prisons. Le manque de ressources a pour conséquence un déficit de 70 % du personnel chargé d’assurer la sécurité des prisons. Ce chiffre signifie qu’un gardien doit surveiller près de 27 détenus en moyenne, alors que la norme internationale recommande une proportion d’un gardien pour 9 détenus. Cela explique en partie la relative impunité avec laquelle les trafiquants de drogue opèrent depuis les prisons, ainsi que l’abondance d’armes dans les centres pénitentiaires.

Enfin, la surpopulation carcérale continue d’entraver la bonne gestion des prisons équatoriennes. Selon le Comité permanent pour la défense des droits de l’homme (CDH), la capacité de l’ensemble des prisons en Équateur est de 28 500 personnes. Cependant, au mois de mai 2019, lorsque l’état d’urgence dans les prisons a été décrété pour la première fois, le nombre de détenus était de 41 836. Il y avait donc une surpopulation de 42 %.

Comme l’explique l’organisation InSight Crime, la surpopulation carcérale est un phénomène régional qui entraîne des problèmes en matière de respect des droits de l’homme et un manque de contrôle sur les systèmes pénitentiaires. Le fait que des membres de gangs rivaux aient dû être emprisonnés dans les mêmes centres pénitentiaires a également contribué aux affrontements sanglants dans les prisons.

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