Les « visas en or » : un outil pour le blanchiment d’argent ?

Les exigences pour obtenir la nationalité ou le permis de résidence dans un pays ne sont pas les mêmes partout. En Europe, par exemple, l’écart est grand entre les modèles de l’Autriche et de l’Irlande. En Autriche, l’un des pays les plus restrictifs dans l’octroi de la nationalité, naître sur le territoire ne donne pas la nationalité, il faut pour cela qu’un des parents soit autrichien. En revanche, en Irlande, le simple fait d’avoir vécu dans le pays pendant cinq ans ou que l’un des parents ait la nationalité irlandaise (bien que né hors du pays) est déjà suffisant.

Toutefois, avec de l’argent, ces exigences sont omises. Depuis le début de la deuxième décennie des années 2000, de nombreux pays européens ont établi une nouvelle manière d’acquérir la nationalité : moyennant de gros investissements comme, par exemple, l’achat de propriétés de luxe, les placements dans un fonds de développement national, en bons du Trésor ou en achetant des actions dans une entreprise nationale. Ce phénomène est connu comme programme Golden Visa (« visas en or »).goldenvisaActuellement, en Europe, il y a 4 pays qui permettent l’acquisition du passeport au moyen de « visas en or » : l’Autriche, la Bulgarie, Chypre et Malte ; et 13 où l’on peut obtenir le permis de résidence par les mêmes moyens : la Bulgarie, Chypre, la France, la Grèce, la Lettonie, l’Irlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l’Espagne, le Royaume-Uni et, jusqu’en juillet dernier, la Hongrie. Le volume d’investissement requis est déterminé par chaque pays et varie entre 250 000 euros en Grèce et 10 millions d’euros, que requiert l’Autriche dans certains cas. En Espagne, le montant minimum exigé est de 500 000 euros pour l’achat de biens immobiliers et de 2 millions en bon du Trésor.

Le 10 octobre 2018, Transparency International a publié l’étude European Getaway: Inside the Murky World of Golden Visas, alertant l’Union européenne des risques en matière de corruption que peuvent entraîner les « visas en or » et du fait que cela peut constituer, à la longue, une menace pour l’intégrité de l’Union, car tous les pays n’exercent pas forcément un suivi exhaustif jusqu’à la source des capitaux apportés. L’étude fait remarquer que certains investisseurs étrangers, issus notamment de Russie, de Chine et d’Ukraine, utilisent les « visas en or » comme outil de blanchiment d’argent en Europe.

Pour ce qui est des pays récepteurs européens, ceux qui ont délivré le plus de visas sont l’Espagne, la Hongrie, la Lettonie, le Portugal et le Royaume-Uni, avec plus de 10 000 demandes acceptées chez chacun d’eux. Toutefois, ces pays n’ont pas rendu publics les noms des nouveaux résidents. Les seuls pays qui les dévoilent publiquement, sur les 13 qui offrent des visas ou des passeports, sont Malte et l’Autriche.

Le rapport constate divers facteurs qui remettent en question le bien-fondé de l’utilisation de cette méthode comme moyen d’attirer l’investissement étranger en échange d’un visa ou d’un passeport :

  • Tout d’abord, le fait qu’un seul État profite financièrement de l’actif européen, non pas national, qu’est l’accord connu comme les quatre libertés : la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux à travers les pays de l’Union européenne.
  • En 2017, The Guardian a révélé des scandales de corruption concernant des multimillionnaires russes qui avaient acquis le passeport chypriote et, par conséquent, la citoyenneté européenne grâce au programme Golden Visa.
  • L’Europe agit comme une échappatoire lorsque les détenteurs du visa ont des démêlés avec la justice dans leur pays d’origine.

Transparency International dénonce le manque d’intégrité opérationnelle de la part des gouvernements dans le respect des processus prévues pour la délivrance des visas et l’absence d’une réglementation commune à tous les pays de l’Union, compte tenu que le produit offert est commun et a un impact sur l’ensemble des États.

Finalement, l’étude conclut par une série de recommandations d’action à l’égard de l’Union et des pays qui offrent des visas et des passeports par cette méthode. Entre autres, elle recommande d’établir des processus communs et de renforcer les mécanismes pour déterminer la provenance de l’argent investi, de lutter contre la fraude et le blanchiment de capitaux et d’adopter des procédures de sanction contre les États membres qui offrent des « visas en or » sans respecter les principes et les objectifs communs de l’Union.

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