La Colombie a connu une diminution importante de la violence et une forte baisse des homicides ces 25 dernières années.
Des évènements tels que la chute de Pablo Escobar en 1993 et le démantèlement du cartel de Cali en 1995 ont permis d’étouffer la violence des gangs les plus dangereux. La démobilisation de groupes paramilitaires armés y a aussi contribué.
D’autre part, la Colombie a misé sur une nouvelle approche : la violence en tant que problème de santé publique. La prévention s’appuie sur la création de services publics et non pas sur l’usage de la répression policière. Les maires de villes comme Cali, Bogota et Medellin se sont inspirés de l’exploitation des données et de méthodes axées sur la recherche, largement utilisées par les professionnels de la santé.
L’expérience couronnée de succès de trois villes
Cali
En 2002, le maire Rodrigo Guerrero a abordé le problème de la violence comme une épidémie et a essayé d’en cartographier le germe et comprendre la manière dont il se transmettait, moyennant l’exploitation des données.
La collecte de données sur les homicides et sur les lieux exacts où ils étaient commis a permis de dresser une carte de la criminalité. Les représailles du cartel et les affrontements territoriaux n’expliquaient pas totalement l’augmentation du taux d’homicides, très élevé à certaines heures et à certains endroits : les week-ends d’encaissement de la paie et aux premières heures du jour le samedi et le dimanche près des boîtes de nuit. L’étude des données suggérait que la consommation excessive d’alcool et la disponibilité d’armes à feu avaient des conséquences mortelles.
La significative diminution de 35% du taux d’homicides dans les quartiers a été possible grâce à l’interdiction de port d’arme les week-ends d’encaissement de la paie et aux restrictions sur la vente d’alcool.
Medellin
Deuxième ville de Colombie, elle a lancé un projet urbanistique connu comme « acuponcture urbaine » qui, moyennant un plan d’aménagement, était censé régler certains problèmes sociaux. Dans un quartier marginal, on a installé un téléphérique. Cette mesure s’est avérée très importante car elle offrait la mobilité aux résidents qui pouvaient alors trouver du travail et se sentir inclus dans la ville. De même, on a investi dans les services basiques, notamment les bibliothèques et les écoles. Les améliorations dans l’éducation et dans la mobilité ont contribué à réduire le taux d’homicides, en passant du record mondial de 380 homicides pour 100 000 habitants dans les années 90 à 20 homicides en 2015.
Bogota
La capitale a également implanté des mesures inspirées des politiques de santé publique. Certains espaces, devenus des foyers d’activité criminelle, ont été améliorés ou détruits et on a investi dans des espaces publics favorisant un sentiment d’appartenance et d’inclusion positive parmi les habitants. Un des maires, Antanas Mokus, a essayé de changer les normes de comportement grâce à des programmes et des campagnes prônant le respect mutuel et l’importance de la vie. Le taux d’homicides a chuté de 80 homicides pour 100 000 habitants en 1993 à 16,7 en 2018.
Les expériences couronnées de succès de Cali, Bogota et Medellin ont été possibles grâce à la vision de leurs leaders politiques. La modification de la Constitution colombienne en 1991 a donné plus de pouvoir aux autorités locales qui pouvaient alors être plus créatives et à même d’expérimenter. À la fin des années 2000, le leadership de ces hommes politiques locaux a inspiré des changements sur les politiques du pays : la révolution des données atteignait ainsi les plus hautes sphères de la politique gouvernementale.
Leçons apprises
La perspective de la santé publique pour gérer la criminalité offre un grand potentiel. L’implication des chercheurs, professionnels de la santé et travailleurs sociaux a permis de nouvelles approches face à un problème de longue date.
L’espace urbain influence les modèles de criminalité et un meilleur aménagement peut stimuler de meilleurs comportements ; l’investissement en infrastructures peut jouer favorablement sur les problèmes sociaux.
Les réformes dans les organisations de police : la lutte contre la corruption, la formation des policiers dans l’exploitation des données, le ciblage des dynamiques de la criminalité locale et l’intensification de la collaboration communautaire ont été la clé de la baisse de la criminalité en Colombie.
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