Jaume Bosch: Le concept de « Police de Catalogne » est une réalité, mais incomplète

jaume-bosch_Coordinateur de projets transversaux et promoteur d’actions de formation à l’Institut de la sécurité publique de Catalogne (ISPC). Licencié en droit à l’Université de Barcelone (UB). Master « La ville : politiques, projets et gestion » à l’UB. Il a été professeur à la Faculté des sciences politiques et de sociologie de l’Université autonome de Barcelone (UAB). Il a été le premier sous-directeur général de la coordination des polices locales. Il a été conseiller municipal, vice-président du Conseil général de Barcelone et député au Parlement de Catalogne. Auteur de plusieurs parutions, dont la dernière : « Du Statut à l’autodétermination » (2013).

Le concept de « Police de Catalogne » introduit par la Loi 4/2003 est-il davantage un desiderata ou une réalité ? 

Aujourd’hui, le concept de « Police de Catalogne » est une réalité, mais incomplète. L’idée selon laquelle la Police de Catalogne est une police qui dépend des institutions catalanes, du gouvernement autonome de Catalogne et des municipalités, autrement dit la police de la Generalitat-Mossos d’Esquadra et les polices locales, est née dans les années quatre-vingt à partir du modèle créé par Jaume Curbet. Cela exprimait une nette volonté politique de construction d’un outil fondamental pour l’autonomie gouvernementale du pays. Certains mécanismes légaux indispensables ont été mis en place pour construire le système : la première loi de coordination des polices locales (en 1984), remplacées ensuite par la loi de 1991, la loi de création de l’École de police de Catalogne (en 1985), plus tard subrogée par la Loi sur l’Institut de la sécurité publique de Catalogne de 2007, et la Loi sur la police de la Generalitat-Mossos d’Esquadra de 1994. Et par la suite, la Loi sur le système de sécurité de 2003. Ces lois sont aujourd’hui dépassées par la réalité et la politique de coordination des polices locales n’a pas bénéficié, malgré la volonté de ses responsables successifs, des ressources humaines et financières qu’exigeaient les enjeux d’un système de police.

Quelles réformes faut-il introduire dans le système de police de Catalogne pour répondre adéquatement aux défis de la sécurité publique ? Connaissez-vous des initiatives mises en pratique ailleurs, qui seraient utiles à notre pays ? 

Il nous faut la Loi sur le système de police de Catalogne, si souvent annoncée. Il est vrai que dans le cadre juridique actuel, on pourrait lancer certaines des initiatives dont nous avons besoin, mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a trois facteurs qui font qu’une loi est indispensable : l’approbation du Statut de 2006 avec de nouvelles compétences pour le gouvernement autonome en matière de sécurité (y compris la définition du corps des Mossos d’Esquadra en tant que police à part entière et l’ordonnancement des polices locales, non pas la simple coordination), l’achèvement en 2008 du déploiement territorial de la police catalane (Mossos), remplaçant la Guardia Civil et la police nationale, et l’apparition de nouvelles formes de criminalité, dont la nouvelle menace terroriste.

La seule loi postérieure au Statut est celle de l’Institut de la sécurité publique. Il faut un nouveau texte légal allant au-delà des lois de 91 et 94 et actualisant le cadre statutaire des Mossos et des polices locales, avec une part commune au deux corps et une part spécifique à chacun. Ces dernières années, d’autres régions autonomes ont progressé et nous devancent : le Pays basque, avec le concours de police locale unifié cette année, ou les nouvelles lois de Navarre (2015), malgré l’annulation de certains de leurs articles par le Tribunal constitutionnel, du Pays valencien (2017), des Baléares (2017) ou de la région de Madrid (2018). Hélas, nous ne sommes plus en tête sur cette voie.

Quelle doit être la responsabilité des communes dans le maintien de la sécurité ? 

Les compétences des communes sont bien définies, de même que le rôle des maires/mairesses et conseils de sécurité locaux. Les plans de sécurité locaux sont un bon outil. Mais le gouvernement catalan doit aider les communes, notamment petites et moyennes. Il existe 214 corps de police locale. Pour l’heure, le cadre constitutionnel ne permet pas la fusion Mossos/polices locales et je doute que ce soit là la solution. Mais il est indispensable que les 214 polices locales, en gardant leur dépendance municipale, agissent de plus en plus à travers des mécanismes qui unifient, ordonnent et valorisent leur rôle.

Le rôle de l’Institut de la sécurité publique de Catalogne est-il bien conçu ou ne faudrait-il pas y faire des changements pour favoriser une amélioration du système de police ? Faudrait-il un organe de « système » en plus ?

D’autre part, la nouvelle loi devrait créer de nouveaux organes pour mieux intégrer les polices locales dans le système : une table de négociation des conditions de travail au plan national, une unité centralisée des affaires internes, une unité centrale d’achat de matériel… Les propositions pour construire un nouveau système de police en Catalogne ne manquent pas. Il faut espérer que, lorsque les circonstances le permettront, nous commenceront à rattraper le temps perdu, sur la base d’un consensus institutionnel et politique qui serait à même d’inspirer les politiques publiques de sécurité.

La loi de 2007 est très avancée, elle définit l’Institut bien au-delà d’une simple somme d’écoles et est adaptée au nouveau Statut : c’est un bon instrument qui prévoit, par exemple, que l’Institut intervienne en matière de sélection des polices locales, comme le font déjà les régions autonomes précitées, ou dans le domaine de la sécurité privée. Le fait qu’il soit aujourd’hui rattaché à l’Université de Barcelone et y assure la formation en sécurité est très important. Mais l’ISPC a besoin de ressources financières pour maintenir et moderniser ses installations et pour favoriser davantage la recherche ; il faudrait qu’il devienne une référence au plan européen dans la réflexion et l’investigation sur certaines questions : pourquoi pas la médiation policière ou la lutte contre la violence sexiste.

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