Des spectateurs prosociaux contre la violence discriminatoire

help-164755_960_720Avant tout, permettez-nous une question : cette année, combien de fois avez-vous été témoin d’un quelconque acte de discrimination dans les rues de votre ville ?  Si vous aviez su que, dans 80% des cas, moins de 10 secondes d’intervention suffisent à éviter la victimisation, peut-être auriez-vous décidé de devenir un spectateur prosocial[i].

La théorie du spectateur, alliant psychologie et criminologie[ii], a pour but de comprendre les motivations qui se cachent derrière l’intervention ou la non-intervention d’un spectateur qui est, par définition, le témoin d’un évènement dans lequel il se voit directement impliqué (PHE, 2016).  Pour comprendre ce comportement, la littérature identifie à ce propos plusieurs étapes dans le processus de décision[iii] : en premier lieu, il faut percevoir l’évènement, le spectateur doit alors l’interpréter et comprendre qu’il s’agit d’un fait conflictuel ; le deuxième pas consiste à en assumer la responsabilité et prendre la décision d’intervenir ; et enfin, le spectateur doit disposer de la capacité d’intervenir (Berkowitz, 2009 ; Banyard, 2011 ; Powell, 2011).

Ce processus est important, notamment pour mettre en pratique la théorie, car des études récentes démontrent que les programmes d’intervention de spectateurs[iv] ont un impact considérable sur la prévention primaire de la violence sexuelle et domestique. Aux États-Unis, la théorie a permis de développer plusieurs programmes de prévention des agressions sexuelles dans des campus universitaires[v], compte tenu que la violence sexiste est interprétée, dans la théorie, comme une cause à effet de l’inégalité de genre et, de ce fait, les stratégies efficaces de prévention de la violence doivent cibler le changement des attitudes et comportements enracinés dans cette inégalité (Banyard, Plante & Moynihan, 2004).

Par la suite, le Royaume-Uni s’est mis aussi à développer des stratégies de prévention primaire suivant ces principes pour lutter contre la violence sexuelle et sexiste dans les universités et, plus récemment, contre la violence discriminatoire dans l’espace public. Fin 2017, Shamsher Chohan, directrice du Communities Inc., a présenté l’initiative « Love not Hate » dans le cadre du projet Building Stronger Commuities, lors d’une séance Zoom de la conférence « Sécurité, démocratie & villes » tenue à Barcelone, où le rôle des spectateurs prosociaux devient fondamental pour prévenir et combattre les crimes de haine. Le programme, basé à Nottingham et Bassetlaw, offre des mécanismes au public pour encourager l’engagement des « bystanders » dans la prévention de la violence discriminatoire, par la création d’un environnement plus sûr pour tous, favorisant la cohésion sociale et la dénonciation. Dans ce sens, l’institution offre une formation gratuite pour tous les membres actifs (individus et organisations) de la communauté souhaitant acquérir des connaissances et une meilleure compréhension des crimes de haine (communitiesinc.org.uk, 2017), fondamentales pour percevoir et interpréter les actes discriminatoires. D’autre part, à travers Community Cohesion Activities, l’initiative prône l’interaction et le dialogue en vue d’engendrer la cohésion entre les différentes communautés et stimuler leur engagement dans la prévention primaire des crimes de haine. Enfin, l’institution entraîne tous les volontaires et organisations travaillant auprès de personnes en situation de vulnérabilité à devenir des centres de dénonciation (communitiesinc.org.uk, 2017), en leur fournissant ainsi les mécanismes nécessaires pour prendre parti, même si c’est a posteriori.

[i]De l’anglais « Prosocial bystander ».

[ii]Voir Powell (2011) pour une révision littéraire exhaustive de la théorie.

[iii]D’autres facteurs interviennent également, dont les caractéristiques personnelles (Berkowitz, 2009) et de l’évènement (Banyard, 2011).

[iv]De l’anglais « Bystander intervention programs ».

[v]Voir DeGue (2014) pour un résumé et une critique des programmes des universités nord-américaines.

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