Peut-on quantifier le trafic d’armes sur le Darknet ?

Le Darknet peut se définir comme la partie du Web non indexée par les moteurs de recherche et répertoires classiques (web profond ou deep web en anglais) qui, par ailleurs, est hébergée sur des réseaux cryptés et utilise l’anonymat pour l’échange d’information. L’anonymat sert à protéger certains aspects de la vie privée mais il est aussi utilisé pour réaliser des activités criminelles telles que l’échange de fichiers pédopornographiques, le trafic de drogues ou le trafic d’armes. Des universitaires de la Rand Corporation et de l’Université de Manchester ont voulu faire une première approche empirique et quantifier la présence du trafic d’armes dans cet environnement. Leur étude Derrière le rideau. Le commerce illicite d’armes à feu, d’explosifs et de munitions sur le Darknet a pour but de répondre à trois sujets d’enquête :

  1. Quelle ampleur et quelle portée le trafic d’armes et de produits associés a-t-il sur le Darknet ?
  2. Quel impact potentiel le trafic d’armes développé sur le Darknet a-t-il sur l’ensemble du marché noir des armes ?
  3. Quelles implications potentielles le trafic d’armes développé sur le Darknet a-t-il pour les corps de sécurité et les décideurs politiques, au plan national et international ?

Pour y répondre, outre l’exploration de la littérature académique existante, doublée d’entretiens auprès d’experts (policiers et cadres publics), ils ont obtenu, capturé et analysé des données relatives à ce marché illicite d’armes à feu. Ils reconnaissent que leur étude présente des lacunes (entre autres, la courte durée de la collecte de données, le fait que les ventes ne peuvent pas être recensées et qu’il faut donc procéder à une estimation ou encore le fait qu’on ne peut pas savoir quelles sont les armes réellement frauduleuses par rapport à celles mises en vente par la police en guise d’appâts), c’est pourquoi ils laissent une porte ouverte à la poursuite de cette enquête et invitent d’autres universitaires à s’y joindre.

Voici certaines de leurs conclusions :

  • En partie, les offres d’armes sont nettement perçues comme frauduleuses ou comme des leurres de la police. Toutefois, la vente d’armes réelles existe bien, c’est pourquoi on ne peut pas éluder ou minimiser le grand risque que la circulation d’armes réelles entraîne pour la société.
  • Les ventes d’armes qu’ils ont détectées provenaient, d’une part, de ce qu’on appelle les « cryptomarchés », des boutiques en ligne réunissant plusieurs vendeurs et utilisant la monnaie virtuelle pour le paiement et, d’autre part, d’espaces avec un vendeur unique, sans intermédiaires.
  • Ils ont décelé 811 listes ou lots de produits, essentiellement des armes à feu, dont des pistolets, des fusils ou des armes semi-automatiques. Les munitions proposées sur ce marché sont vendues en général avec les armes et indépendamment de façon plus occasionnelle. Ils soulignent par ailleurs que, derrière les armes à feu, il existe des produits numériques (manuels sur la confection d’engins explosifs ou d’impression 3D d’armes ou de parties d’armes).
  • Les enquêteurs estiment que 136 ventes ont lieu chaque mois pour un montant de 80 000 dollars.
  • Le trafic d’armes ne constitue qu’une petite partie de l’ensemble du trafic de produits illicites sur les marchés noirs du Darknet.
  • Les policiers sont confrontés à des défis opérationnels et techniques pour répondre à cet aspect du trafic d’armes. Par conséquent, il faut une prise de conscience du risque que cela implique pour qu’ils puissent disposer des outils nécessaires à cette lutte.

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