En France, un verdict pionnier contre les interpellations policières fondées sur le profilage ethnique

Les faits remontent à l’automne 2011 et se sont déroulés à Lyon. Deux étudiants, Nadir et Armel, étaient assis à la terrasse d’un restaurant lorsqu’une voiture de police s’est arrêtée. De toutes les personnes présentes, les agents n’ont demandé leurs papiers qu’à ces deux étudiants. La raison ? C’était les seuls à ne pas être blancs.

Nadir et Armel se sont joints à la plainte déposée par 13 jeunes hommes d’origine africaine ou nord-africaine pour contrôle au faciès. Le 9 novembre 2016, la justice leur a donné raison. C’est la première fois en France qu’un juge a statué qu’« un contrôle d’identité motivé par les caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire ». L’autre grande nouveauté est que le tribunal a aussi précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée : désormais, la charge de la preuve incombera à la police. Le plaignant devra apporter les éléments permettant de faire présumer de l’existence d’une discrimination, comme par exemple l’attestation d’un témoin des faits. Ce sera alors à la police de démontrer soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs.

En Espagne, le seul précédent judiciaire existant est celui d’une affaire datant de 1992, celle de Rosalind Williams, ressortissante espagnole née aux États-Unis, qui a porté plainte contre une interpellation policière uniquement motivée par la couleur de sa peau. Alors qu’en 2001 le Tribunal constitutionnel espagnol a estimé que l’apparence physique ou raciale pouvait justifier une interpellation policière, en 2009 le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a donné réseau à la plaignante en statuant que la police ne peut pas faire de différences à partir de la couleur de la peau.

Les interpellations fondées sur le profilage ethnique se produisent si la police se concentre de manière disproportionnée sur certaines personnes en raison de leur origine raciale, ethnique, religieuse ou nationale, qu’elle soit réelle ou apparente, au lieu de le faire pour des raisons de soupçons objectifs et raisonnables. Un rapport de l’Agence européenne des droits  fondamentaux signale que les interpellations par profilage ethnique sont non seulement discriminatoires, mais qu’elles détériorent de plus la relation entre la police et les citoyens et, partant, qu’elles nuisent au travail de la police, qui a besoin de la confiance et de la coopération des citoyens.

62-fair-and-effective-police-stops-es-featured-20160208En France, comme le montrent plusieurs études de la fondation Open Society, le recours au profilage ethnique lors des interpellations concerne principalement des hommes d’origine arabe ou africaine. Cependant, la police française n’est pas la seule dans ce cas : les interpellations fondées sur le profilage ethnique sont habituelles dans toute l’Europe occidentale et dans une bonne partie du monde. Ni la Catalogne ni l’Espagne ne font exception. En 2008, un essai pilote conduit à Gérone dans le cadre du projet européen STEPSS a prouvé que la police interpellait de manière disproportionnée certains groupes en fonction de leur âge (jeunes), de leur sexe (hommes), de leur origine ethnique et de leur nationalité, ce qui concernait notamment le collectif d’apparence nord-africaine et de nationalité marocaine. En 2013, une autre étude, menée par l’université de Valence,  sur les interpellations policières constatait le recours au profilage ethnique par les forces et les services de sécurité. En Espagne, certaines polices ont entamé des réformes visant à diminuer ce type d’interpellations. Le rapport intitulé Identificaciones policiales eficaces e imparciales (Des interpellations policières efficaces et impartiales) en donne les résultats.

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