Dans son dernier numéro, la revue Polizei Newsletter rapporte une enquête de l’Institut de sondages d’opinion allemand qui souligne la disparité des tendances entre la sécurité objective et la criminalité. En effet, les chiffres de la criminalité restent stables —comme nous l’avons signalé dans une note précédente. Les vols avec violence, les délits de coups et blessures dans les espaces publics et l’utilisation des armes à feu ont même diminué dernièrement (dans le dernier cas, elle baisse depuis 2003). Seuls les cambriolages et les infractions contre le règlement relatif aux étrangers présentent une augmentation significative (surtout dans le second cas, avec 157 % de plus cette dernière année).
En revanche, deux Allemands sur trois sondés manifestent que la sécurité a empiré lors des trois dernières années. Dans le cas des personnes de plus de 55 ans, ce chiffre passe à trois personnes sur quatre, soit 75 % des sondés qui estiment que la sécurité a empiré autour d’eux. Les femmes sont à cet égard un peu plus négatives que les hommes: 70 % d’entre elles voient une dégradation de la sécurité face à 67 % d’hommes. Les jeunes de 18 à 24 ans sont très divisés, tout en étant plus optimistes que l’ensemble des sondés (seuls 51 % estiment qu’il y a une détérioration), tout comme le sont les adultes de 25 à 34 ans (58 % estiment que la situation a empiré). Le groupe le plus optimiste est celui des étudiants (seuls 48 % estiment que la situation a empiré). Seul un quart des personnes sondées croient que les statistiques de la police sur la criminalité correspondent à la réalité.
Analysées par land (division administrative comparable à la Région française), il n’y a pas non plus de correspondance entre criminalité et sécurité subjective. Ainsi, alors que le land qui affiche le moins de criminalité est le Bade-Wurtemberg (qui a devancé la Bavière en 2015), 67 % des sondés estiment que l’insécurité y est en augmentation. Et dans la ville-État d’Hambourg, où les chiffres de la criminalité sont les plus élevés (avec un taux pour mille habitants du double de celui du Bade-Wurtemberg), seuls 59 % des sondés sont pessimistes quant à l’évolution de la sécurité ces dernières années.
Dans ce contexte, la lutte contre l’insécurité (contre une sécurité subjective faible ou négative) a cessé d’être associée à la lutte contre la criminalité. L’insécurité est entrée sur le marché de la politique, puisqu’elle semble produire des dividendes, et elle commence à éveiller un populisme susceptible d’encourager des mesures très radicales (souvent restrictives de droits) visant à calmer le sentiment d’insécurité, même si elles n’entraînent aucune réduction du risque de victimation. D’après le rapport, les organisations de défense des droits de l’Homme ne soupèsent pas assez la dangerosité de ces politiques pour les droits des citoyens.
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