D’après une étude publiée par le quotidien The Washington Post, en 2015, les interventions à l’arme à feu effectuées par des agents de service aux États-Unis ont causé la mort de 991 personnes. La plupart (942) étaient des hommes. Dans 782 cas, ils avaient menacé la police avec des armes mortelles. Les victimes étaient en majorité de race blanche (495), et la tranche d’âge la plus habituelle allait de 18 à 44 ans (684).
Le grand nombre de personnes qui étaient désarmées (93) ou portaient une arme factice (34) lorsque la police a tiré sur elles retient l’attention. Cela signifie en effet que 12 % des tués ne représentaient aucun danger réel pour la police ou pour des tiers. Le nombre de Noirs et de Latinos (430) est lui aussi très élevé (presque égal à celui des Blancs), ce qui est significatif d’une représentation en surnombre de ces groupes par rapport à leur proportion dans la population totale. On retiendra que 251 de ces personnes présentaient des symptômes de maladie mentale (moins de 20 % du total) et que 277 d’entre elles avaient plus de 45 ans. Dans la majorité des cas, la police justifie son intervention par le fait que la personne attaquait la police (ou des tierces personnes).
On remarquera le nombre exagérément élevé de cas dans l’État de Californie (177), en comparaison avec d’autres États eux aussi densément peuplés. Ainsi, par exemple, l’État de New York n’a enregistré que 19 victimes. Le Texas affiche lui aussi des chiffres très importants d’incidents (95) où intervient une majorité de citoyens noirs et latinos (50 tous confondus). L’Arizona occupe la troisième place de ce classement, avec 39 cas. En l’occurrence, il s’agit principalement de citoyens blancs (27). Rhode Island —dont la population est proche du million d’habitants— est le seul État où aucune mort causée par une intervention policière n’est à déplorer.
Toujours d’après la même source, au 24 octobre 2016, 776 personnes ont perdu la vie aux mains de la police depuis le 1er janvier. Il ne s’agit pas, à dire vrai, de données officielles : elles proviennent du suivi des actualités, des sites web des polices, des réseaux sociaux et d’autres base de données indépendantes qui collectent elles aussi ces informations. Les seules données officielles sont celles qui concernent les homicides justifiés, publiées par le FBI. En 2015, elles s’élevaient à 442. Il ne faut cependant pas oublier que les cas non justifiés n’y sont pas comptabilisés. Par ailleurs, le gouvernement des États-Unis n’a pas tenté de démentir les données de cette recherche [*].
Il est fort possible que le droit à porter des armes reconnu par le second amendement de la Constitution américaine, qui contribue à ce qu’il y ait beaucoup de gens armés dans les rues, soit la raison pour laquelle la police soit trop prédisposée à se servir de ses armes à feu. Par ailleurs, il n’est pas rare que les commissions ou les autorités policières établissent une utilisation abusive de leur arme par les agents, comme le signalent Los Angeles Times et le NBC New York. D’autres recherches —comme celle du quotidien The Guardian — affichent des chiffres encore plus élevés (1 146 personnes tuées en 2015), car elles ne comptabilisent pas uniquement les morts par arme à feu causées par des agents de service, mais aussi les personnes tuées par des armes électriques ou mortes alors qu’elles se trouvaient sous la garde de la police.
[*] Cette recherche a, d’autre part, été récompensée par les organisations de journalistes. The Washington Post et The Guardian ont été nommés finalistes du Goldsmith Prize for Investigative Reporting de 2016 pour leur recherches concernant les personnes tuées à cause d’interventions policières.